Dans un monde en constante évolution, il est devenu essentiel de déterminer quelles sont les zones naturelles qui nécessitent d’être protégées des menaces actuelles et futures. Au vu de l’étendue de nos océans, cet exercice s’avère difficile, tout particulièrement quand il s’agit de zones reculées comme l’océan Austral.
Plusieurs scientifiques, dont le Dr Bruno Danis, du Laboratoire de biologie marine de l’ULB, mais aussi le Dr Anton Van de Putte, chercheur de l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique, proposent une approche innovante pour identifier les zones le plus riches en termes de biodiversité qu’il convient de protéger. Leur méthode est basée sur l’analyse de données relatives aux oiseaux et mammifères marins.
Le principe est simple : les animaux se rendent dans des endroits où ils trouvent une source de nourriture. «Les baleines à bosse et les manchots vont dans des endroits où ils peuvent se nourrir de krill, tandis que les éléphants de mer et les albatros vont dans des endroits où ils peuvent trouver des poissons, des calmars ou d’autres proies » explique Bruno Danis, de l’ULB. « Si tous ces prédateurs et leurs proies se trouvent au même endroit, il est évident que cette zone présente à la fois une grande diversité et une grande abondance d’espèces et qu’elle revêt donc un intérêt écologique particulier. »
Plus de 70 scientifiques provenant de 12 programmes nationaux en Antarctique, ont mis en commun leurs données relatives au suivi des prédateurs de l’océan Austral pour identifier ces « hotspots ». Ces données portent sur quelque 4000 individus appartenant à 17 espèces différentes.
« Il est évidemment impossible de suivre tous les individus à partir de toutes leurs colonies. Une simple cartographie fournirait donc une représentation biaisée de la distribution des animaux » souligne Bruno Danis.
Pour surmonter ces lacunes, des modèles statistiques sophistiqués ont été développés pour prédire les mouvements en mer de toutes les espèces de grands prédateurs pour l’océan Austral. Ces modèles ont été combinés pour les 17 espèces de prédateurs afin de générer une carte prédictive des zones exploitées en priorité par ces organismes.
Les chercheurs ont ainsi pu observer que les zones dites « d’importance écologique » sont concentrées autour du plateau continental de l’Antarctique et dans deux régions océaniques distinctes, l’une se situant au niveau de la péninsule Antarctique y compris l’Arc de la Scotia, et l’autre entourant les îles subantarctiques dans le secteur indien de l’océan Austral.
Dans ce contexte, les aires marines protégées (AMPs) constituent un outil crucial pour la préservation de la biodiversité. Les AMP existantes concernent pour la plupart des zones écologiquement importantes. En mettant en œuvre les projections des modèles climatiques pour évaluer la manière dont ces zones pourraient se déplacer d’ici 2100, on constate que les AMPs existantes, ayant des frontières fixes, pourraient ne plus correspondre aux futurs habitats des espèces modélisées. Une gestion dynamique des AMPs, mise à jour à l’aide du type de modèles développés, est donc préconisée pour assurer une protection cohérente des écosystèmes de l’océan Austral et de leurs ressources.